Qui n’a jamais scrollé lors d’un bel après-midi ensoleillé et s’en est senti coupable ? Qui n’a jamais été tenté par l’annonce sponsorisée personnalisée vantant les mérites du produit secrètement rêvé depuis plusieurs mois ? Bienvenue dans le Fast Web. Dans ce monde, organisé par les GAFAM, règne la non-transparence, la manipulation et le hold-up de l’attention remettant parfois en question notre santé mentale. Écrit comme ça, cela semble un peu exagéré. Vraiment ? Le Slow Web s’érige contre ce monde numérique qui a pris une place importante dans nos vies. Il promeut un Internet éthique respectueux de l’humain et de la planète. Mais comment ? Partons à sa découverte et voyons comment adapter ce concept au sein de nos entreprises.
Les origines du Slow Web
1969 : la création d’Internet
Pour comprendre le concept du Slow Web, il est nécessaire de revenir à l’origine du Web et d’Internet.
À la fin des années 60, le contexte socio-économique est à la contre-culture. Des mouvements populaires et hippies se forment en réponse à une société vécue comme cadenassée. Le fordisme et la guerre du Vietnam sont à l’origine de ces sentiments. Une puissante volonté s’installe de réinventer les formes de vie en communauté et de repenser le lien.
À cette époque, des chercheurs américains, financés par l’armée américaine, travaillent pour mettre au point un nouveau protocole de communication entre ordinateurs distants. Internet fait son apparition.
Quelques années plus tard, dans les années 70, la micro-informatique personnelle fait son entrée. Les créateurs des premiers ordinateurs portables, à l’instar de Steve Jobs, sont intimement persuadés de l’utilité de ces outils pour réinventer les fondations d’une nouvelle société.
L’utilisation d’Internet et des micro-ordinateurs se généralise dans le monde de la recherche et des entreprises. Les scientifiques disposent maintenant d’un moyen de communiquer et d’échanger sur leurs travaux, mais aussi sur des sujets plus politiques. Internet devient un refuge dans lequel il est possible de penser librement, de façon ouverte et de redonner du pouvoir aux individus.
1989 : la naissance du Web
Le lien hypertexte est imaginé en 1989 par Tim Berners-Lee, un chercheur britannique du Cern. Cette invention permet la vulgarisation du protocole de communication qu’est Internet auprès du grand public. C’est la naissance du Web. Cependant, l’Europe ne voit pas la portée de ce projet et ne souhaite pas le financer. Les chercheurs européens décident alors de mettre à disposition leur découverte, sans contrepartie, afin que la communauté scientifique puisse s’en emparer. L’impact sociétal est immense : proposer un système de navigation simple et gratuit basé sur la décentralisation de l’information et le partage des connaissances.
Le Web : des valeurs de liberté à la prise de contrôle
Les Américains perçoivent rapidement la valeur de cette innovation et s’emparent du projet. Peu de temps après, le premier navigateur est créé : Mosaïque.
Identifiant les opportunités d’affaires, de nombreuses entreprises américaines accompagnées d’investisseurs se lancent en tant que précurseurs dans l’aventure du Web. La Silicon Valley émerge, un nouvel eldorado naît : l’économie numérique prend place.
Avec le temps, le marché du Web se forme et fait place à 5 grandes firmes américaines appelées les GAFAM. Ces entreprises (Google (Alphabet), Amazon, Facebook (Méta), Apple et Microsoft) sont aujourd’hui en quasi-monopole sur leur marché respectif. Leur modèle économique est basé principalement sur la publicité et sur la vente de données des consommateurs. La majorité des applications ont comme objectif de favoriser l’achat compulsif en capturant une partie de l’attention des internautes.
Face à cette dérive, certains leaders d’opinion, à l’instar de Tariq Krim, ont décidé de dénoncer ces pratiques qui vont à l’encontre des valeurs initiales du Web et d’Internet. Alors que ce monde numérique voulait favoriser les échanges libres et transparents, il devient un espace de contrôle et de formalisation dirigé par quelques entreprises.
Le Slow Web : le concept et ses piliers
La philosophie du Slow Web
Le concept du Slow Web s’inspire du Slow Food apparu en Italie à la fin des années 80. Le Slow Food a été initié en opposition au Fast food. Il s’agissait de repenser à la qualité des plats proposés, mais aussi et surtout à la manière de se nourrir.
« Nous sommes ce que nous mangeons, mais aussi ce que nous consommons en ligne » souligne Tariq Krim. Tout comme la nourriture, le numérique est absorbé chaque jour. La question se pose de savoir si cette consommation fait grandir et réfléchir ou si elle devient une source d’anxiété. Le constat montre que la qualité des informations publiées se dégrade. La publicité est trop présente, l’attention des consommateurs est capturée, et les données personnelles sont vendues sans transparence.
S’érigeant en opposition à la devise de Facebook à l’usage jusqu’en 2014 « Move Fast and Break Things », le Slow Web propose de revenir à un Web plus éthique et respectueux de l’humain et de son environnement.
Les 4 piliers du Slow Web
Le Slow Web repose sur 4 piliers fondamentaux : la transparence, le respect de la vie privée, le design propre et la possibilité de partir.
- La transparence
En 2022, la CNIL déclare que les conditions d’utilisation des données statistiques de Google Analytics sont illégales. C’est un fait, de nombreux logiciels disponibles sur le marché ne donnent que très peu d’informations sur leurs fonctionnements. Les consommateurs n’ont aucune vision claire de l’usage de leurs données personnelles. Le Slow Web incite à plus de transparence. Il s’agit de rétablir une confiance entre les utilisateurs et les entreprises.
- Un design propre
Le concept de design propre propose l’idée que l’outil numérique ne devrait être utilisé uniquement que pour son rôle premier. Les utilisateurs ne doivent pas être manipulés pour enclencher des actions non souhaitées.
- Le respect de la vie privée
Le respect de la vie privée est un aspect négligé dans l’activité numérique. Ces dernières années, les GAFAM ont été condamnés à des peines totalisant plusieurs centaines de millions d’euros pour non-respect de la protection de la vie privée. Le Slow Web propose la mise sur le marché de produits qui respectent la vie privée afin que les consommateurs puissent se sentir sécurisés.
- Le droit de pouvoir partir
Le droit à l’effacement de la vie numérique est également un large débat. Même si des efforts sont faits dans ce sens, il reste encore difficile de supprimer des données personnelles, des messages ou bien des photos sur le Web. Les procédures sont longues et demandent du temps. Il devrait être possible de pouvoir effacer de manière simplifiée l’ensemble de ses données et ses informations numériques.
Exemples d’outils
La mise en pratique du Slow Web consiste à mettre en avant une nouvelle génération de technologies. Ces dernières sont censées respecter la vie privée, offrir une transparence dans l’utilisation des données, et contribuer à préserver l’environnement.
Quelques outils ont été mis sur le marché, mais peinent encore à se faire connaître.
Voici quelques exemples :
- Polite.one propose deux outils qui disposent d’interfaces neutres, des algorithmes ouverts et respectent la vie privée. Le premier est The Polite Desktop qui est un poste de travail multi-cloud. Il permet de centraliser l’ensemble des contenus (photos, musique, textes, etc.) sur une plateforme dédiée. Le deuxième The Polite Librairie est une plateforme qui propose de regrouper divers contenus de qualité comme de la musique, des photos, des documentaires ou encore des films.
- Ecosia est un moteur de recherche qui permet grâce aux recherches réalisées de planter des arbres. En effet, 80 % des bénéfices sont reversés à des associations qui ont pour mission la reforestation.
- Brave est un navigateur open source qui a été créé en 2016. Performant au niveau technique, il permet de bloquer les publicités et les cookies tout en ayant une consommation réduite des ressources système. Ce dernier est reconnu pour protéger efficacement l’utilisateur, car il est capable de bloquer l’ensemble des publicités et des trackers.
Adopter une stratégie Slow Web
Réduire son empreinte carbone
Pour réduire les gaz à effet de serre, il est possible de favoriser l’utilisation de navigateurs ou d’applications performants et éco-responsables. Le bilan carbone numérique représente 4 % des émissions GES mondiales, d’après un rapport de l’ADEME – ARCEP en 2022. Effectivement, le nombre d’e-mails et de publications sur les réseaux sociaux explose sur la Toile sans parler de la consommation de vidéos et musique en streaming.
Ici, pas de recette miracle, se tourner vers une sobriété numérique est nécessaire. Il s’agit de prendre conscience de sa consommation, et d’identifier ce qui est vraiment utile pour ses activités personnelles et professionnelles.
Adopter une sobriété éditoriale
À ce jour, les techniques promulguées pour être visible sur le Net sont simples : publier plusieurs fois par jour sur les réseaux sociaux et au moins une fois par jour sur les blogs ou les chaînes Youtube. Ce rythme, imposé par les outils et applications des GAFAM, entraîne une surconsommation d’informations. Cette tendance a un nom : l’infobésité. Pour produire ces contenus, une course contre la montre s’est installée ainsi qu’un épuisement créatif. Certains influenceurs le disent parfois, ils n’ont plus d’idées pour leurs réels ou directs sur Instagram. Dans ce timing imposé, les informations peinent à rester qualitatives et deviennent erronées servant de base aux fake news.
Pour répondre à cet état de fait, certaines entreprises mettent en place des stratégies de slow content pour favoriser la qualité des contenus à la quantité. Elles proposent ainsi une réelle valeur ajoutée informationnelle.
Revoir sa stratégie marketing
La grande majorité des technologies numériques traquent les habitudes des consommateurs. Les données récupérées sont revendues ou servent à affiner les profils des utilisateurs avec l’objectif de personnaliser la publicité.
Le Slow Web invite à développer des techniques de marketing plus respectueuses comme le slow marketing. Cela passe par la limitation du nombre de cookies, de pop-up ou de traceurs et la mise en place d’une communication responsable et inclusive.
Avantages et inconvénients des stratégies Slow Web
Pour une entreprise, s’engager dans une démarche Slow Web demande réflexion. En effet, cela implique de changer de perspectives, d’habitudes et parfois d’outils. Actuellement, la mise en œuvre de stratégies de slow content ou de slow marketing reste compliquée pour demeurer visible sur le Web. Les acteurs dominants du marché imposent une cadence soutenue de publication pour rester en haut de la SERP. Les innovations alternatives peinent à prendre leur place et à se maintenir comme véritable challenger. Changer demande du temps, de l’énergie et de la conviction.
Le nouveau positionnement adopté par l’entreprise peut également perturber les clients ou même les collaborateurs. Il est donc vital de prendre le temps de créer sa nouvelle stratégie marketing et d’adopter un message clair et audible par sa clientèle. Pour renforcer la dimension éthique de son activité, le pas-à-pas est nécessaire au risque de véhiculer une image de greenwashing.
Cependant, s’engager dans une démarche de Slow Web valorise la communication authentique et rétablit un lien de confiance. Ainsi, véhiculer ses valeurs et ses engagements peut être interprété comme un gage de qualité et participe à la valorisation de l’image de marque. Avoir la volonté de proposer du contenu à haute valeur ajoutée peut également aider à restaurer un rythme plus humanisé pour les collaborateurs. Ils ont le temps de produire un travail de qualité, de retrouver du bien-être au travail et de participer à l’élaboration d’une démarche éco-responsable.
Le Slow Web questionne notre rapport à Internet et nos habitudes de consommation de l’information numérique. Même si la mise en application de ce concept est encore à ses balbutiements, de nombreuses entreprises ont décidé de s’engager pour promouvoir un Web éthique. Les techniques de slow content ou de slow marketing commencent à être vulgarisées et adoptées. La question de la souveraineté de l’Internet a aussi toute son importance pour faire évoluer les pratiques des GAFAM.
Alors sommes-nous prêts à assumer un Web éco-responsable et à modifier nos comportements ? La question reste ouverte.
Source : Le Slow Web Initiative
Article rédigé par Barbara Beyrie, Rédactrice Web SEO.